Une découverte étonnante, cette interprétation, au Portugal, d'une œuvre d'un compositeur inconnu mais pas totalement inconnu des dunkerquois… du XIXe siècle.
Banda da Sociedade Filarmónica União Arrentelense 4 de Março de 2017
Traduction du commentaire de la vidéo :
Victor Mathurin Buot est né à Strasbourg le 15 août 1822. Son activité musicale fut marquée par sa carrière militaire comme chef de musique de l'artillerie de la Garde impériale sous la Seconde République (1848-1852) et le Second Empire (1852-1870). Outre sa carrière de chef d'orchestre, il se consacra à la composition, à l'instrumentation et à l'enseignement. Il est l'auteur de nombreuses œuvres pour piano seul, ensembles de musique de chambre et harmonie. Son activité de chef de musique, à une époque où il était difficile de se procurer des originaux pour ces ensembles, le conduisit à transcrire de nombreuses œuvres du répertoire de l'Orchestre symphonique. Son talent d'arrangeur lui permit de publier nombre de ses transcriptions, certaines après sa mort. Il est mort à Menton, sur la Côte d'Azur, le 18 septembre 1883.
L'ouverture FRANCE fut composée en 1878. Son titre original complet est : « FRANCE - Ouverture Patriotique pour musique militaire ». L’œuvre est divisée en quatre sections. La première section comprend une introduction majestueuse suivie d’un andante cantabile. La deuxième section, construite en mode fugue, se caractérise par son tempo rapide. La troisième section est la plus marquante, car elle s’inspire de « La Marseillaise ». Composée en 1792, « La Marseillaise » a connu un tel succès qu’elle a été adoptée comme hymne national français en 1795. Cependant, en 1804, Napoléon Bonaparte l’interdit en raison de son caractère révolutionnaire. Même sous la Seconde République et le Second Empire, d’autres chants ont été utilisés comme hymnes nationaux. À l'époque de la composition de l'œuvre (1878), la France était déjà sous la Troisième République (1870-1940) et on peut supposer que Victor Buot s'est joint aux voix qui ont contribué à faire de « La Marseillaise » l'hymne national français, ce qui se produirait peu après, en 1879. La quatrième et dernière section de l'œuvre est composée d'un vivace qui oblige les interprètes à démontrer leur maîtrise technique.
Son instrumentation originale nous donne une idée de la constitution d'une Musique Militaire dans la seconde moitié du XIXe siècle : Petite Flûte RéB ; Petite Clarinette Mib ; 1º Clarinette Sib ; 2º Clarinette Sib ; Saxophone Soprano Sib ; Saxophone Alto Mib ; Saxophone Tenor Sib ; Saxophone Baryton Mib ; Petit Bugle Mib ; 1º Piston ou Bugle Sib ; 2º Piston Sib ; Trompettes Mib ; 1º Alto Mib ; 2º Alto Mib ; 3º Alto Mib ; 1º Cor Mib ; 2º Cor Mib; 1º Trombone ; 2º Trombone ; 3º Trombone ; 1º Bariton Sib ; 2º Bariton Sib ; Basses Solo Sib ; Basse Sib ; Contre Basse Mib ; Contre Basse Sib ; Tambour ; Grosse Caisse.
un autre enregistrement : la Chanson des nids, fantaisie polka pour deux clarinettes, interprétée par Gaston Hamelin et François Etienne, orchestre sous la direction d'Alexandre Courtade
et aussi
Morceau d'élévation, pour saxophone et orchestre, par l'orchestre d'harmonie de Landerneau, dirigé par Pierre Langonné, saxophone soliste : Serge Bertocchi
Complément biographique
Victor Buot a passé quelques années à Dunkerque. Un peu avant sa retraite de ses fonctions militaires, en 1867, il est nommé chef de la musique du 98e de ligne qui y est en garnison. Il participe activement à la vie musicale dunkerquoise. En 1868, il compose un petit opéra, Les Noces Bretonnes, sur un livret de Jules BERTRAND* qui est représenté sur la scène du théâtre du Casino de l'Estran à la demande de la propriétaire Mme Rosenquest et avec son orchestre il se produit régulièrement dans les concerts qui y sont organisés. La presse se fait écho de ses concerts notamment pour l'inauguration du nouveau Casino de Rosendael en 1868 : La semaine dernière je suis allé chercher une première représentation jusqu'à Dunkerque. On inaugurait le nouveau Casino, magnifique édifice ou le Monde Illustré a, le premier, donné la reproduction par la gravure. Sur un théâtre élevé au bord de la mer et élégamment décoré, en présence de la plus gracieuse société du département (on était venu de Lille en grand nombre), j'ai applaudi un charmant opéra de M. Victor Buot, intitulé Benedetta. De brillant motifs, de sémillants couplets, m'ont tenu sous le charme pendant une heure. M. Buot, bien connu et justement estimé dans le monde artistique, est chef de musique au 98e régiment de ligne ; c'est un homme de science et d'imagination. Je suis certain de revoir, un jour ou l'autre, Benedetta à Paris. Charles Monselet, Le Monde Illustré du 5 septembre 1868.
Mais déjà en janvier de la même année il s'était remarqué par la presse parisienne : La grande mosaïque du Barbier a été exécutée par la musique du 98e avec une si grande perfection qu’elle semblait reproduire jusqu'aux paroles du chef-d'œuvre. Rien de beau, de magnifique comme cette exécution aux applaudissements de laquelle il ne manquait que ceux de Rossini, qui ne s'en fût point fait faute. Dans cette belle audition, on a remarqué des solos admirablement rendus, et notamment la partie de hautbois qui nous conduit à répéter nos éloges à l'égard de l’habile instrumentiste qui possède un talent hors ligne, non seulement sur cet instrument, mais encore sur la petite flûte. Quelle belle carrière s’ouvre devant lui, s'il sait former, par des études soutenues, les heureuses dispositions qu'il montre si jeune encore. Applaudissements, trépignements, bravos, rappel, enfin toutes les manifestations possibles ont été employées par le public pour traduire la vivacité de ses impressions.
Les Bébés, polka de la composition de M. Buot, chef de musique du 98e, qui excelle dans la musique incitative, a produit le plus charmant effet, empreint toutefois d'une certaine tristesse près des excellentes mères nourrices, au regret de ne pouvoir calmer des souffrances exprimées avec tant de naturel et de vérité. […]
Le bouquet de la soirée consistait dans une tempête au Cap Nord, symphonie imitative avec chœurs et solos, exécutée d'une manière magistrale par la musique du 98e, par la Jeune-France et par la troupe du théâtre. L'auteur, M. Buot, si avantageusement connu dans le monde musical, a obtenu tous les suffrages, et nous conserverons, comme un précieux souvenir de son séjour à Dunkerque, une composition qui, à son mérite particulier, ajoute un cachet tout local d'un grand prix par l'effet si heureusement rendu d'une tempête dans laquelle se détachaient tous les vents au milieu d'une pluie et d'une grêle dont on cherche instinctivement à se préserver. L'illusion a d'ailleurs été rendue complète par la vue, à l'horizon, de notre Cap Nord avec ses maisonnettes au milieu de nos dunes sauvages. Nos compliments au peintre. Voilà une nouvelle perle à ajouter à l'écrin du savant compositeur. Le Corsaire du 19 janvier 1868
En 1869 : on joue les Pêcheurs d'Islande, drame lyrique en trois actes, paroles et musique de M. V. Buot, chef de musique du 98e de ligne, qui prête son concours à la représentation. La scène se passe à Mardyck. Au premier acte, baptême et départ pour l'Islande ; deuxième acte, incendie en mer et tempête au cap Nord ; troisième acte, le retour. Les principaux morceaux de la pièce sont l’Islandaise, la Ronde des Crevettes, la Prière des Pêcheurs (chœur et deux orchestres) et une symphonie par la musique militaire, la Tempête au cap Nord. Voilà une œuvre lyrique née dans nos murs, jouée pour la première fois sur notre scène, dont le sujet est tout à fait local et dont le talent incontestable de l'auteur est une garantie pour les dilettantes les plus délicats ; cela n'a rien fait, deux loges au plus sur vingt ont été prises ; les fauteuils d'orchestre et de la première galerie offraient des vides désolants. Ainsi, M. le Directeur vous voilà fixé : montez avec soin un ouvrage comme les Pêcheurs d'Islande ; ayez deux orchestres, frétez un navire, faites-le brûler en scène et couler bas aux accents d'une musique entraînante, aux cris d'une population affolée ; vous aurez le peuple, oui, la jeunesse amie des arts ; quelques graves personnages, sans doute, mais la haute société, point. Cependant, la pièce de M. Buot vaut la peine d'être entendue ; le sujet est intéressant et bien traité… Somme toute, la pièce a eu un beau succès. Bulletin de l'Union Faulconnier 1905
1870 : Les concerts du Parc de la Marine commençaient. La musique du 98e de ligne, en garnison à Dunkerque, y attirait le public et par le fini et le brio de son exécution, et par le talent de compositeur de son chef Buot dont tous les habitants fredonnaient la Polka des Crevettes ou Céleste Valse. Ces flonflons, inspirés d’Offenbach, charmaient notre population et la berçaient doucement. L'année terrible à Dunkerque 1870-1871, E. Bouchet et G. Duriau
Il quitte notre ville en 1872 pour prendre le bâton de chef d'orchestre du Café-Concert de l'Exposition de Paris. En avril 1873 la prédiction de Monserlet se réalise… en partie, son opéra-comique Benedetta est joué sur la scène du grand théâtre de Lyon. En 1874 il réside à Fourmies dans le Nord. Alexandre Desrousseaux nous indique que le carillon automatique de Gondecourt joue les 8 premières mesures de la Polka des Bébés à la demie. En juin 1880 il est témoin au mariage de Benoît Bernhard, fils de son ami et collègue musicien du 98e RI, Louis Bernhard. Victor Buot est alors chef de la musique municipale de la ville de Menton, il y décède deux ans plus tard foudroyé par une attaque d'apoplexie. En 1892, son épouse, Julie Pongérard, est domiciliée à Paris, 8 rue d'Auteuil, quand elle écrit au chancelier de la Légion d'Honneur pour obtenir une copie du brevet qui a été "volé lors de la mort" de son époux.
Plusieurs titres de ses compostions se rattache à notre région : Le Bourbourgeois, pas redoublé (1870 ; La Douaisienne, polka (1871) ; Dunkerque, pas redoublé (1884) ; L'Enfant du Nord, pas redoublé (1884) ; Le Géant, pas redoublé (1870) ; L'Islandaise, polka (1869) ; Jean Bart, pas redoublé (1868) ; Pêcheurs d'Islande, drame lyrique (1869) ; La Prière des Pêcheurs, chœur (1869) ; La Polka des Crevettes (1869) : La Tempête au cap Nord, symphonie pour musique militaire (1869) et Valenciennes, grande valse pour piano (1863).
Christian Declerck
21 juin 2025
sources illustrations : L'Islandaise : Archives Municipales de Dunkerque, les autres : collection personnelle
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