vendredi 15 décembre 2023

Sylvie St Clair

mise à jour le 3 mai 2018, annonce du décès de Bob Dorough et ajout d'une video
mise à jour le 22 janvier 2019, ajout d'une copie d'un traduction du Bel Indifférent de Jean Coteau
mise à jour le 8 juillet 2021, ajout de 2 photos
mise à jour le 14 juin 2023, ajout de 2 photos
mise à jour le 9 août 2023, ajout d'une vidéo
mise à jour le 30 octobre 2023, ajout d'un programme
mise à jour le 15 décembre 2023, ajout dune vidéo


collection personnelle



Une Dunkerquoise
Nelly Chauveau est née le 14 avril 1913 rue de la Marine où son père a transféré le magasin de cycles (il est agent de la marque Alcyon) qu'il avait fondé 18 rue Saint Jean trois ans plus tôt.
Sa famille est présente à Dunkerque depuis la fin du siècle précédent. Son grand-père, cantinier au 1er régiment d'artillerie, meurt à Dunkerque en 1895. Un oncle de son père était musicien à Dunkerque vers 1888, année de son mariage avec une Dunkerquoise.



Enfant, elle subit l'évacuation en 1917 qu'elle évoque dans un interview, puis la famille revient à Dunkerque ; sa sœur, Jacqueline, y est née en 1924. On sait que Nelly fait ses études au collège Lamartine, qu'elle est particulièrement douée pour le dessin, elle s'est inscrite à l'école des Beaux-Arts de la ville, et le théâtre. La famille déménage à Paris à la fin des années vingt. Nelly découvre la vie parisienne, les cabarets, les boîtes de nuit, le théâtre, elle continue ses études artistiques et devient dessinatrice, c'est la profession qu'elle déclare lors du remariage de sa mère en 1934, ses parents ont divorcé en 1931. Son père se remarie à Paris en 1936, il décède en 1941. Les deux sœurs sont adoptées par le mari de leur mère, Emile Montel-Saint-Paul en 1939.
Mais avant ces évènements familiaux Nelly a trouvé sa vocation. Elle a réussi à pénétrer les réseaux du théâtre parisien. Un responsable du théâtre de La Madeleine lui propose d'intégrer la troupe qui se produit à bord du paquebot Normandie. Elle embarque au Hâvre le 8 mai 1936 avec une vingtaine de comédiens professionnels renommés, tel Marcel Dalio (qui vient de jouer dans le film Pépé le Moko) et Robert Trébor, le directeur du Théâtre Michel et ami de Sacha Guitry.

New York
La ville l'émerveille, elle est fascinée et refuse de retourner en France, malgré l'absence de visa d'immigration, inconsciente des risques. Ses amis du Normandie auraient demandé au consul de France de veiller sur elle. Elle trouve un engagement de trois semaines à l'Hôtel St Régis, au cabaret La Maisonnette Russe, elle y est tellement appréciée qu'elle y reste trois mois et y retourne à bord du Champlain en septembre 1936, avec un visa cette fois.
En juin 1938 elle est au Canada, elle a obtenu un engagement au Cabaret Chez Maurice, un grand cabaret de Montréal situé dans la rue Sainte Catherine, elle est au même programme que Tristan Bernard. Une solide réputation l'a précédée, elle a été entendue au St Régis par un responsable de la programmation du cabaret montréalais qui l'a engagée sur le champ, son programme se divise en deux parties, elle interprète une série de chansons françaises puis une autre de chansons anglaises. Un critique nous dit qu'elle excelle dans la chanson parisienne et qu'elle obtient un franc succès avec Je voudrais en apprendre davantage, de l'opérette Normandie. En décembre 1938 elle est à Philadelphie au Cabaret Embassy.



Rainbow Grill janvier/février 1942



En 1939 elle se produit au Brevort Super Club de New York puis obtient un engagement en novembre 1941 au cabaret Rainbow Grill, annexe du Rainbow Room, salle de bal située au 65e étage du Building Rockefeler. En 1943 elle chante au cabaret Paris Qui Chante à New York. C'est à cette époque qu'elle rencontre le pilote de la RAF Bevis D. Davies qui devient son époux. En 1944 elle embarque pour Liverpool à bord de l'Axel Johnson et s'engage à Londres dans l'ENSA (Entertainments National Service Association), une association qui organise des spectacles et des concerts pour les troupes anglaises.

Londres
Dès juin 1945 elle se produit sur les ondes de la BBC, dans une production de l'ENSA. Ensuite elle est régulièrement invitée dans Variety Band Box, une émission destinée aux militaires.

Alexandra Herald and Central Otago Gazette 1946


En février 1946 c'est la sortie du film Caravan d'Arthur Crabtree, elle y tient un petit rôle aux côtés des stars du film, la servante outragée qui jure en français !



  des extraits du film



La même année elle enregistre quelques disques 78 tours pour DECCA à Londres : Ah le petit vin blanc / Take it away ; Coax me a little bit / C'est pas tous les jours dimanche ; No can do / I'm so all alone.

collection personnelle

Take it away / Coax me a little bit



Toujours à Londres elle participe au débuts de la BBC Television dans le studio de l'Alexandra Palace.

première française qui chante à la télé ?
France Soir 30/6/1946 (Gallica)

Le Front Ouvrier de Montréal
19 octobre 1946


U. S. A. / Paris / Londres / U. S. A. 
Après un bref retour en France, en mai 1947, pour des prestations dans une revue au Théâtre des Célestin à Lyon. New York l'appelle de nouveau, elle embarque à bord du Queen Elisabeth à Southampton le 27 août 1947. En novembre elle est engagée par la société DuMont, fabricant et producteur de télévision, pour animer sa propre émission, Café de Paris, sur la chaîne WABD. Son style original qui tranche avec la concurrence, ne semble pas du goût des critiques qui n'apprécient pas sa désinvolture, sa spontanéité et son humour. Néanmoins elle est The New Look in Television.

 
Radio Daily 1947 / Radio Mirror 1948



la java des matous

En 1948, elle enregistre deux chansons (La Polka des Fatigués et la Java des Matous) de Michel Emer, avec qui elle se produit sur la Riviera française au cours de l'été. L'épisode DuMont durera jusqu'en mars 1949, elle quitte la chaîne pour des raisons financières et retourne sur la scène, en avril elle se produit à Montréal.  Retour au Québec avec Michel Emer qui lui a composé des chansons nouvelles, le 1er avril elle fait ses débuts au cabaret Le Café de l'Est où elle chante durant plusieurs semaines, accompagnée par l'orchestre d'Eddy Sanborn. La presse la présente comme "la première chanteuse française à faire de la télévision en Angleterre et à avoir une émission régulière sur un réseau de télévision américain".  Michel Emer doit préparer une revue pour Broadway, Kiki, l'automne prochain, dont le rôle principal est tenu par Sylvie. Elle participe à une émission de la radio Poste CKAK, Les Etoiles de France, animée par Guy Mauffette. Fin mai elle est invitée à chanter pour le mariage de Rita Hayworth et Aly Aga Khan à Vallauris. Début juin elle est encore en France, signale le journal de Montréal Le Canada, en juillet elle est à Londres, au Suzy Solidor's Club et se produit à la BBC dans Cafe Continental. En Août on la signale sur la Riviera et en octobre elle participe à l'émission radiophonique de Gisèle Boyer Pile ou Face, avec Ned Rival. On la voit dans un extrait de cette émission, avec Gisèle, Ned et Michel Emer, dans le film de Pierre Gautherin, Au fil des ondes, qui sort dans les salles en 1951 pour aider à la reconstruction du village d'Epron dans le Calvados. En 1949, elle retrouve Gisèle et Ned à la Nuit de la Jeunesse à Aurillac dont il reste plusieurs photos, comme celle-ci, où elle tient, amicalement (?) la main de Ned Rival (1924-1995), elle est en compagnie de  Gisèle Boyer (1922-2010), Armand Mestral, Ginette Garcin, Jean Marco et Jean Dumas. 


Sylvie Saint-Clair à gauche
source : Archives Départementales du Cantal
Fonds Dumas-Rossignol cote 49 num 123



Sylvie SINCLAIR [sic]
vedette inconnue, 1949
sources Gallica

***

Détective, 28/11/1949, collection personnelle

En novembre 1949, elle est interrogée comme témoin dans l'affaire de la rue Jean-Mermoz, le meurtre de son ami, et soupirant, Edward de Muralt, un Australien qui est tué par trois militaires. Elle a profité de sa présence en France pour trouver quelques contrats dont le Boccacio, boulevard des Capucines, à Paris. Puis elle retourne à Londres pour se produire dans la revue Latin Quarter jouée au théâtre du London Casino avec les Compagnons de la Chanson, alors au début de leur carrière.

Latin Quarter
collection personnelle

Café Continental
collection personnelle


Vers 1949-1951 elle est souvent à Londres, régulièrement invitée par la BBC Television pour l'émission Café Continental dont un rare programme d'une représentation au Dolphin Theatre de Brighton nous est parvenue qui donne le détail du spectacle sous forme de Menu en trois parties : Apéritif, Entrée et Spécialité de la maison, accompagné par l'orchestre de Sidney Bowman. Septembre 1951, l'agence, Sidney-Ascher Associates, achète une double page dans la revue professionnelle Variety : un CV distribué à des milliers d'exemplaires dans tous les Etats-Unis ! Les effets sur sa carrière ne tardent pas. Les contrats se succèdent à Chicago, Dallas, New-York, Los Angeles, San Francisco, etc. En 1952 elle est à Los Angeles, à Hollywood précisément, où elle vit une relation, qualifiée de "romance torride" par la presse, avec l'écrivain français Pierre La Mure, auteur du roman Moulin Rouge dont s'inspire le film qui obtient 2 oscars en 1953.

The International Singing Star

Durant ces années 1950, elle se produit dans les clubs, accompagnée par d'excellents artistes par exemple en février et mars 1956 à l'hôtel Knickerbocker d'Hollywood avec le Joyce Collins Trio. Puis à San Francisco en 1959 au Gotham Gay 90's. Dans ces années là, elle compose plusieurs chansons mentionnées dans le Catalogue des Copyrights, dont une au moins, Ma Chérie, est enregistré par l'orchestre de Wayne King

Ma Chérie, valse de Sylvie St-Clair
interprétée par Wayne King and his Orchestra en 1956


Un contrat aurait même été signé avec Verve Records, pour le label Roulette. En 1955 sa mère décède à Nice et son père adoptif en 1957, elle hérite des terrains agricoles situés à Courtisols dans la Marne. En 1958 elle participe à un disque de musiques et chansons 1900* : La Moutache à Papa.



trois chansons extraites du LP La Moustache de Papa


En mars 1959 elle est invitée au jeu télévisé de Groucho Marx, You bet your life. Fin 1959 elle participe au USO Tour (United Service Organizations).
Ensuite elle revient en France et joue le rôle de Caroline Reine de Naples, au théâtre de l'Ambigu, dans Madame Sans Gène, avec Jeanne Sourza dans le rôle titre. Pour développer sa carrière de comédienne elle sollicite divers auteurs, dont Jean Cocteau ; sa lettre est conservée à la Bibliothèque Historique de la ville de Paris, accompagnée d'une photo, avec au verso un CV résumé.

source : Bibliothèque historique de la Ville de Paris
/ Fonds Jean Cocteau

En 1961 sort un court métrage du cinéaste Arcady, l'Ondomane. Elle y est la partenaire du réalisateur. Ce film obtient un prix au festival de Tours en 1962. Cette année là elle enregistre aux Etats Unis un disque 33 tours de Fables de La Fontaine en anglais et en français, dont elle a fait les traductions et la musique interprétée par deux musiciens réputés, Robert "Bob" Dorough** et Al Schackman, on peut l'écouter ici. Elle anime ensuite une émission régulière destinée aux enfants sur WBAI à New York, ainsi que son émission Sylvie by Night diffusée à Philadelphie.
D'avril à juillet 1966, retour à Londres, à la BBC Home Service pour Sylvie by Day. En 1967 elle réside toujours à Londres, c'est à cette époque qu'elle commence à vendre les terrains de Courtisols hérités de son père adoptif. La même année elle fait la traduction de la pièce de Jean Cocteau, Le Bel Indifférent, le tapuscrit est conservé dans le fonds Jean Cocteau de la Bibliothèque Historique de la ville de Paris.

source : Bibliothèque historique de la Ville de Paris
/ Fonds Jean Cocteau

Ensuite, d'après le témoignage de Bob Dorough, elle aurait eu une liaison amoureuse avec un saxophoniste de jazz, qu'elle a aidé, vainement, à surmonter sa dépendance à la drogue. Puis elle aurait vécu quelques années avec le producteur Harley Usill, fondateur du label Argo Records, ils venaient régulièrement rendre visite au couple Dorough à Poconos (Pennsylvanie), on est dans les années 1970/1980, elle est alors domiciliée avec sa sœur à Los Angeles. Harley décède à Londres en 1991 et Sylvie à New York en 1996.

Christian Declerck



mai 1949 à Montréal
photo Gaby, source


Sources : Etat civil, Dunkerque-Sports, Ancestry.fr, FamilySearch.org, Archives.org, The Brooklyn Daily Eagle, The Montreal Gazette, Variety Magazine, The Miami News, The New York Evening Post, Alexandra Herald and Central Otago Gazette, The Bilboard Magazine, Image et Son, Programme WBAI, Genome.ch.bbc.co.uk, Qui ? Détective, Radio Mirror, Sponsor Magazine, Radio Album, Broadcasting Magazine, Florence Morning News, New York Magazine, Catalog of copyright entries, Catalogue DECCA, Bibliothèque municipale de Lyon, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris et collection personnelle.
Mes remerciements à Jean Poirriez et Michel Steylaers pour leurs traductions.


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La Moustache de Papa, produit par Larry Shushan, Babary Coast Records, BC33018
Musiciens de l'orchestre :
Violons : Elliot Fisher, James Getzoff, Mme Elizabeth Waldo, Richard Bailey.
Trompettes : Jerry Rosen, Manuel Steven
Trombone : Harold Diner
Clarinette basse et clarinette : Lewis Ellenhorn
Clarinette : Morris Bercov
Flûte : Burnett Atkinson
Basson : Howard Terry
Flûte et clarinette : Mahlon Clark
Piano : Maurice Ellenhorn
Accordéon : Gene Garf
Basse et tuba : Ray Siegel
Percussion : Chester Ricord
Direction : "le prof. Pierre Chatouille"


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j'ai appris le décès de Bob Dorough le 23 avril 2018. Il m'avait transmis des informations sur sa rencontre avec Sylvie et leur amitié.


il célébrait ses 92 ans




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Généalogie de Nelly Chauveau


Les liens que vous avez manqués :

- l'ENSA
La moustache à papa (paroles et musique Sylvie St Clair)
- The Grasshopper and the Ant et autres fables de Jean de La Fontaine


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