lundi 12 mai 2025

Marie-Laure Bertrand, comédienne (1854-1940)

 Artiste dramatique, actrice de cinéma

 

Il y a de cela cinq ou six ans c'était un dimanche, vers l'heure du dîner, j'attendais, dans un salon ami, que la maîtresse de la maison sortit de sa chambre, où la retenait je ne sais quel incident. M. X. son mari, n'était pas rentré ; tout en me chauffant les pieds je jetai un coup d'œil machinal dans la salle à manger de laquelle s'échappaient des bruits discrets d'argenterie et de vaisselle. Une jeune fille très gracieuse, à la figure fine, éclairée de deux grands yeux de biche effrayée, faisait le tour de la table en rectifiant le couvert avec beaucoup de soin, pliant coquettement les serviettes sur les petits pains, et adressant à voix basse des instructions à la cuisinière qui, paraît-il, n'était entrée chez Mme X. que le matin. Le maintien extrêmement modeste, la toilette d’une simplicité un peu austère de la jeune fille me frappèrent elle me rappelait ces charmantes cousines de province, si douces et si gracieuses, dont chacun de nous a gardé quelque image chère au fond du cœur. 
Bientôt, les quelques amis attendus pour dîner arrivèrent. A côté de deux Parisiennes à coiffures en cascades (c'était la mode en ce moment), à costumes exquis et à conversation très hardie, telles que les ont maintenant les plus honnêtes femmes, la toilette et la tenue de la gentille ménagère formaient un contraste frappant. Mme X. la traitait maternellement, et comme cette dame était souffrante, c'était la jeune fille qui s'occupait des détails du service, avec un tact et une bonne grâce infinie. Pendant le dîner elle ne se mêla pas à la conversation générale, mais comme j'étais placé à côté d'elle, je l'interpellai directement sur des questions d'art, dont on parlait, surtout, car nous nous trouvions chez des artistes elle me répondit avec une netteté et une sûreté de vue qui m'étonnèrent chez une si jeune fille. Mme X. vers la fin du repas, adressa la parole à ma voisine en anglais, et celle-ci lui répondit dans la même langue, avec le plus pur accent de la Grande-Bretagne. Ces connaissances variées, cette rectitude cette tenue réservée, ce costume de soie grise à mille raies si simple, ce col montant… j'étais fixé ! la demoiselle aux yeux de biche était une jeune institutrice, retour d'outre-Manche. On avait dîné de bonne heure, pourtant le dessert était à peine sur la table que la jeune fille se leva, sans que personne parut, s'en étonner ; elle quitta la salle à manger et revint un instant après, coiffée d'une modeste petite toque et d'un pardessus noir. Chère madame, je me sauve, voilà sept heures et demie, dit-elle, mais je ne puis trouver mon livre de messe, je croyais, en rentrant ce matin, l'avoir mis sur le piano. Je l'ai posé à côté de la pendule, ma chérie, dit Mme X. La gentille personne glissa vite jusqu'au salon et reparut tenant un joli petit missel, à couverture d'ivoire, qui était certainement son livre de première communion. Puis, ayant embrassé son amie et le mari de celle-ci, elle partit, emportant une foule d'amitiés pour sa mère. Dépêche-toi de prendre l'omnibus, tu seras en retard ! lui cria Mme X. et la porte se referma sur l'aimable enfant. 
– Voila une bien charmante personne, dis-je à cette dame, elle est sans doute dans une institution bien sévère, pour qu'il lui faille s'en aller si tôt ?. M. X. partit d'un grand éclat de rire. Elle est à la Porte-Saint-Martin où elle joue le Tour du Monde, me dit-il. 
– Ah mon Dieu ! mais c’est invraisemblable et elle se nomme ?
Sur son acte de naissance Marie Bertrand de Saint-Remy ; au théâtre, Marie-Laure mais ne revenez pas sur votre impression première Marie-Laure est la plus honnête et la plus douce fille du monde ; son père est un journaliste de talent, sa mère une femme d'une profonde érudition. Marie-Laure a embrassé la carrière théâtrale pour des raisons très honorables, comprenant que son pinceau ou son talent de pianiste ne pourraient de longtemps suffire aux charges que les malchances de la vie lui ont créées, mais elle passe à travers le feu comme une salamandre. Elle ne cesse d'être Mlle de Saint-Rémy que bien juste devant la rampe ; le reste du temps c'est toujours la jeune fille bien élevée et prédisposée au "kant", que vous venez de voir.
Cette première entrevue ne s'est jamais effacée de mon esprit, et encore aujourd’hui, alors que Marie Laure se jette, avec des cris de passion, dans les bras du héros de quelque drame terrible, je vois quelquefois à sa place surgir l’image douce et froide de la jeune fille emportant son livre de messe ou arrangeant le couvert de Mme X. Il y a fort peu de temps que le public s'est aperçu que Marie Laure avait un réel talent, et ceci parce que les directeurs de Paris n’avaient pas l'air de s'en apercevoir non plus. Tout cela a une raison. La jeune artiste fut d'abord au Vaudeville, mais chacun sait que ce n'est pas avec ses appointements qu'une actrice paie ses toilettes. Ayant la volonté très arrêtée de rester absolument libre, elle dut se consacrer au drame, qui ne nécessite pas des robes de six mille francs aux frais de celle qui les porte. Cette manière insolite de comprendre le théâtre fit hausser les épaules tout autour d'elle. Cela et les réalités brutales d'une vie pour laquelle elle n'était pas faite l'exaspérèrent elle devint positivement insupportable, de plus en plus institutrice anglaise, susceptible et mécontente. Longtemps, elle caressa le rêve de quitter la scène pour se marier bourgeoisement et élever, dans quelque modeste cottage, une nichée de babies roses. Mais, au théâtre, on n’épouse guère que les femmes qui ont un passé intéressant. Elle resta donc artiste et finit par en prendre son parti et par se laisser empoigner par l'art, où elle mit tout son cœur et toute sa vaillance. Depuis ce temps, elle n'est plus de méchante humeur, n'effraie plus directeurs et camarades avec lesquels, jadis, les piques étaient fréquentes, et son talent est apprécié à sa réelle valeur. 
Cet automne, elle a joué Nana à Bruxelles avec un brio et un charme extrêmes, que soulignait un léger embonpoint qui donnait à sa beauté quelque chose de fort plaisant. Puis elle est revenue à Paris se faire applaudir dans plusieurs créations nouvelles ; elle vient hier de remporter un grand succès dans le rôle de la San Felice, bien que le drame ait soulevé des critiques, et la voilà, à vingt-cinq ans à peine, sur le point de prendre dans le drame une des premières places sur la scène parisienne. Il est peu d'actrices qui disent plus juste que Marie-Laure, elle a une intelligence de ses rôles poussée aussi loin que possible et elle est servie à merveille par sa voix très sonore, bien que sortant d'une bouche toute mignonne. Cette singulière personne adore la campagne : elle habite avec sa mère à Rosny sous Bois où elle retourne chaque soir, malgré le peu de commodité du voyage. Aussitôt qu'un rayon de soleil le permet, elle fait du paysage, et nous verrons une toile d'elle au prochain Salon. Encore une dans le monde, Marie Laure est sérieuse, un peu triste même sa conversation est spirituelle et étonne souvent, tant elle est au-dessus des papotages ordinaires des salons. C'est celle d'une fine lettrée, à la fois piquante jusqu'à la morsure et très réservée. Marie Laure est un type de jeune chanoinesse du temps de Mme de Genlis. En somme, une des fleurs les plus originales de notre couronne artistique : rose blanche au parfum d'oranger. 
Camille  DELAVILLE.
La Presse le 13 novembre 1881.
 
 
Laure Marie Alphonsine est née à Rueil Malmaison le 20 octobre 1854, de Jules BERTRAND (1817-1894), homme de lettres et publiciste et Julie Palmyre SAINT REMY (1824-1888), institutrice, puis directrice de pension. Ses parents se marient à Paris en 1851. Ils se séparent rapidement et Laure accompagne son père à Dunkerque vers 1860. Encore enfant elle se produit sur la scène du Casino Rosenquest dont son père est devenu le directeur. Elle commence ensuite une belle carrière de comédienne sous le pseudonyme de Marie-Laure. D'abord aux théâtres de la Porte Saint-Martin, du Château d'Eau, de l'Odéon où les critiques lui reconnaissent de vraies qualités d'artiste. En 1883 elle rompt son contrat avec l'Odéon pour s'engager deux ans au théâtre Michel de Saint-Pétersbourg. En 1885 elle obtient un engagement de trois mois pour le théâtre de Buenos-Ayres. En 1896 elle est nommé professeur d'art dramatique au Conservatoire de Marseille, mais démissionne en 1901 pour y créer une école lyrique et dramatique dans l'ancien gymnase de la rue Saint Jacques. En 1929 on l'interroge sur ses partenaires :
Avec quel partenaire préférez-vous jouer ? réponse de Mme Marie Laure : Hélas je me trouve dans l’impossibilité de répondre à votre question ! Étant donné mon grand âge, ma longue carrière (je vais entrer dans ma cinquante-cinquième année de théâtre), j’ai trop de souvenirs ; ils sont trop les grands artistes avec lesquels j’ai eu l’honneur et la joie de jouer ! Depuis 1874, époque de mes débuts, ayant eu la chance de ne jamais faire de cabotinage, soit en tournée, soit à Paris, j’ai fait partie de distributions où se trouvaient les plus illustres vedettes du moment… Des noms ? Parmi les femmes : Sarah Bernhardt, Réjane, Agar Farguelt (qui fut mon professeur), Reichemberg, Brandès, Bartet, Lily, Samary (Jeanne) ; les artistes hommes en prenant à mes débuts : Taillade, Lacressonnière, Dumaine, Pauli, Menier, Parade, Saint Germain, Silvain, puis, plus près de nous : Guitry, Huguenet, Coquelin aîné et cadet, les deux Mounet, de Féraudy, Le Bargy, Got… et j’en oublie. Convenez que le choix est difficile ; auprès de tous, j’ai eu des grandes joies d’art, aimant mon métier avec passion ; à chaque pièce et même maintenant j’ai un acte… une scène qui me plait plus particulièrement… mais choisir ! Ce n’est jamais la même chose et c’est toujours pareil. Mon Dieu, que j’ai la plume bavarde, excusez-moi… il ne faut pas me mettre sur le chemin du souvenir, j’aime trop mon théâtre, je ne sais plus m’arrêter (L'Ami du Peuple) A partir de 1911 (dans Une Conquête de Henri Pouctal) elle s'intéresse au cinéma et joue dans plus d'une quinzaine de films, ses probables derniers rôles étant celui de la marquise de Langrune dans Fantomas de Paul Féjos en 1932 et dans Il était une fois de Léonce Perret avec Gaby Morlay en 1933. Au cinéma et au théâtre elle côtoie sur scène les plus grands artistes de son époque : Louis Jouvet, Arletty, Michel Simon, etc. En 1933, doyenne des comédiens français, elle annonce prendre sa retraite après 62 années de théâtre. Elle décède le 15 décembre 1940 au domaine de Beaudouvin à La Valette du Var.

Christian Declerck
12 mai 2025

Comœdia 15 décembre 1908

Comœdia 1er mars 1910

Annales Politique 13 avril 1916

Excelsior 5 avril 1933


jeudi 1 mai 2025

Florimond DENNEELS, chef d'orchestre de cirque

 Si les cirques sont souvent étudiés et leurs généalogies abondamment médiatisées sur l'internet, il n'est que très rarement fait mention du chef d'orchestre ou il est seulement cité par son patronyme, quelque fois écorché.


Florimond DANNEELS en fait souvent les frais, il est parfois appelé DANELS ou DANNELS et son prénom et régulièrement oublié, mais c'est bien le même personnage. Et pourtant le chef d'orchestre de cirque est un personnage important du spectacle comme  nous le décrit cet article paru dans Rouen Gazette le 26 novembre 1932 (Gallica)
[…] Car au cirque, à l’inverse du théâtre, les violons et la flûte, les pistons et la batterie sont au service de la piste. M. Florimond excelle à cet exercice délicat qui est, lui aussi, de l’ordre de l’expérience depuis le temps où en 1887, il était premier violon au théâtre de Gand. Il entra ensuite chez Plège, et il ne s’évada jamais du cirque. Actuellement, il demeure à Tourcoing, mais il est attaché au cirque Poutrier* qui a remplacé Roche. Il ne s’en échappe que pour la vieille fête de Saint Romain à Rouen, qu’il fréquente depuis près de quarante ans. Il est venu en 1893, avec Plège qui s’installait dans le cirque de bois aménagé chaque année sur l’emplacement du boulingrin. Il y revint de deux ans en deux ans jusqu’en 1906. Il sait que Rouen est la meilleure foire de France. Il sait bien d’autres choses aussi et d’abord comment on conduit un orchestre de cirque.
 
 
Des habitudes
Tous les artistes ont leur musique, laquelle est distribuée aux musiciens. Mais il y a des changements qui doivent être instantanés afin que le spectacle n’ait point de creux. Il y a des modifications continuelles qui s’improvisent en cours de représentation. M. Florimond y veille. Quand il voit entrer un cheval, il sait ce qu’il faut jouer. Il n’a pas à chercher dans ses papiers. Les troupes de cirque ne renouvellent pas comme cela. Ainsi M. Florimond connait depuis longtemps l’ancien dresseur de chiens et de chats Gontard qui, cette année, complète le trio des clowns Bario et Dario. Il en connait bien d’autres qu’il retrouve et avec lesquels il a presque des habitudes. La présentation de la cavalerie est à peu près immuable. Pour la haute école, il faut une marche lente qui permette de « suivre le temps ». Le galop demande un « six huit », et la mazurka « trois pas ». Le chef bat la mesure. Il donne ainsi le régime qui convient aux équilibristes comme aux danseurs et aux animaux dressés qu’ils soient domestiques ou féroces. S’il va trop vite, tout le monde est « dedans ». La précision d’un numéro dépend un peu de l’adresse du chef d’orchestre. C’est un paradoxe charmant.

Des yeux et de l’oreille
Lors des changements de programme, le chef est à la disposition des artistes, la veille au cours de l’après-midi. Mais personne n’y vient. Et chacun accourt avant le spectacle. M. Florimond résiste à cet assaut. Il sourit gentiment et l’on a confiance en son habileté. De son perchoir, il observe la piste. Il ne la quitte pas des yeux. Et il suit son orchestre « à l’oreille ». Un jour un équilibriste lui explique que le soir il ferait ceci ou cela. Il avait omis de dire qu’il exécutait son numéro à bicyclette, et qu’ainsi il montait un escalier en portant un homme sur les épaules. Comment battre correctement la mesure lorsque celle-ci dépend d’un effort physique forcément irrégulier ?
Ce mois-ci, à Rouen, à la dernière minute, M. Florimond s’aperçût qu’un dresseur de chiens ne présentait pas toutes ses bêtes. Il devait apprendre par la suite que l’un d’eux avait été mordu et qu’il ne pouvait travailler. Philosophiquement il passa la polka du toutou et il attaqua une valse destinée au chien suivant. Et tout se passa le mieux du monde.
C’est dire que M. Florimond connait toutes les ficelles. Au cours de ses voyages, il a vu une fois ou deux le chapiteau être enlevé par la violence des rafales. Il est à l’abri des paniques et des surprises. Son fils, qui a de qui tenir, est à Médrano. Il continuera la tradition. […]
 
 Il est fort probable que ce passage à Rouen soit son dernier voyage. Florimond meurt à Tourcoing le 29 juillet 1934, dans son domicile 19 rue des Archers. 
Il est né à Gand le 1er juin 1867, fils de Léonard (boucher) et Alexandrine REYNAERT. On sait qu'il fait
ses études musicales au Conservatoire de Gand, il y obtient un premier prix de solfège en 1883. Comment est-il devenu chef d'orchestre de cirque ? je n'ai pas la réponse. La presse et les collections de programme sur Gallica nous donne ses différents lieux de prestations : ça commence en 1903, à Amiens pour Destard-Plège, puis Nantes (1904), Saint Quentin (1906) Cambrai et Rouen même année, Roubaix (1907), Saint Etienne, Troyes, Grenoble et Nantes, même année toujours même cirque. En 1910 il passe par Nancy, Dijon, Troyes et Lyon. 1911 c'est Limoges, Bayonne. En 1913 et 1914 il est à Dunkerque pour le cirque Excelsior de DUTRIEU (programme musical ci-contre), de même en 1920. En 1922 il est le chef d'orchestre du cirque Roche. Ce qui ne l'empêche pas de prendre des contrats supplémentaires comme à Malo les Bains le 8 juillet 1923, il donne un concert symphonique pour les plagistes à l'ouverture de la pâtisserie Boutteau. En 1926 il passe une petite annonce pour trouver un bon flûtiste pour le cirque Dutrieu qui est à Tourcoing du 24 juillet au 16 août. Il demeure déjà à Tourcoing 19 rue des Archers. En septembre même année il travaille pour le cirque Roche à Lille. En 1931 il est recensé à Pommard (Côte-d'Or), avec son épouse, 139 rue des Juifs. En 1932 il se produit à Tourcoing et enfin à Rouen.
En 1904, il épouse la couturière du cirque Plège, Cornélie VAN OVERVELD, née dans le Brabant à Wouw le 14 avril 1861, divorcée de Jean FOURDRAINE, cocher du même cirque. De ce premier mariage elle a eu un fils né en juin 1902, prénommé Florimond Rodolphe, le couple divorce en janvier 1903. Le prénom identique à celui de son second mari laisse supposer une… relation précoce, le père légal n'ayant pas désavoué la paternité, il portera le nom de son père. Il sera également chef d'orchestre de cirque, connu sous le nom de "FLORIMOND fils". D'abord en 1930 à Tournai pour le cirque Palisse, puis à Angers pour Médrano Boum-Boum, en 1934 pour le cirque Roche et 1935 à Nancy pour Pourtier*, il continue avec ce cirque à Bordeaux en 1937, puis en 1938 à Tourcoing et Lille. Toujours à Lille en 1946 et 1947 et, dernière mention relevée, à Rouen en 1948 avec le cirque Napoléon Rancy, géré par son petit-fils Henri qui deviendra directeur de cinéma à Dunkerque, mais c'est une autre histoire. En 1929, Florimond fils épouse Olga LOYAL, descendante de la grande famille circassienne, ils divorcent en 1937, puis se remarie en 1937 à Tourcoing avec Madeleine Dupont, née à Tourcoing en 1905. Je n'ai pas encore trouvé les lieux et dates de leurs décès. Madeleine a eu une fille née d'un premier mariage : Paule STOCK née en 1932, décédée en 2021 à Seclin qui aurait peut-être pu nous en dire plus sur ses parents et grands parents.
 

* Antoine POURTIER. Ce directeur de cirque est mentionné sur tous les sites des amateurs circassiens. Très souvent sans son prénom et jamais avec ses dates et lieux de naissances et décès. J'ai du chercher longtemps pour le dénicher. On pouvait imaginer qu'il était un "enfant de la balle" descendant qu'une famille circassienne étrangère puisque je ne trouvais pas ses dates sur les sites habituels de généalogie. Mais non, il est né en Haute-Loire, un département non encore inclus dans les bases de données. A Langeac, précisément, le 3 avril 1884, fils d'un ouvrier menuisier ardéchois, Henri Pourtier et de Marie Colombet originaire de Pélussin (Loire). En 1913, à St Etienne, il épouse Marthe RASSET, qui n'est pas non plus circassienne, mais deviendra artiste de cirque. Elle est née à Rouen le 7 septembre 1891, elle meurt en 1982 à Périgueux, c'est grâce à sa fiche dans la base de l'INSEE que j'ai pu remonter le fil généalogique de cette famille très discrète. Antoine est mort à Sanary sur Mer le 5 mars 1942, route de Bandol, villa l'Arlésienne. 
Je n'ai pas fait la liste de ses prestations, on trouve un rapide historique ICI, je mentionne seulement sa présence à Dunkerque en 1934 (affiche ci-dessous) et en janvier 1935, car les artistes du cirque font déposer une couronne mortuaire pour les funérailles d'Enrico PISSIUTI artiste écuyer, mort d'un accident pendant une répétition. Il était l'oncle d'Olga LOYAL épouse de Florimond FOURTRAINE.
Mention aussi d'un autre originaire de la Région 59/62, le chanteur Firzel, qui de temps en temps tenait le rôle de M. LOYAL, notamment à Dunkerque en 1937 aussi pour Pourtier.
 
Christian Declerck 25 avril 2025
 
programme Lille 1938 (Gallica)

 
source




vendredi 25 avril 2025

Firzel, chanteur de Saint Pol sur Ternoise

 

 Marcel Bayart (1944-2016) avait fait des recherches et publié de nombreux articles dans L'Abeille de la Ternoise sur cet artiste qui était son cousin. Hélas ses articles ont disparu de l'internet.

Les voici :

Zéphir Joëts dit Firzel, né et décédé à Saint-Pol

Avec son visage durement sculpté, ses épaules de catcheur, la pointe noire de ses cheveux sur le front... Zéphir Emile Louis Joëts naquit à Saint-Pol-sur-Ternoise, le 30 juin 1895. Il y décéda le 22 février 1948.
Cet artiste prit d'abord le pseudo de Zéphir, puis de Firzel. Ce fut un compositeur, un conteur, un chanteur, un fantaisiste qui connut la gloire, notamment entre les deux guerres. Il avait fait ses débuts sur la scène le 19 janvier 1908, dans la revue locale "Saint-Pol y passe" de M. Milléquant, alors professeur au collège. Le petit Zéphir Joëts, apprenti pâtissier, alors âgé de 12 ans, avait recueilli un vif succès pour son aplomb, son entrain et sa verve. Il prêta bien volontiers son concours aux organisateurs de fêtes locales. Et bientôt, s'évadant du parfum des gâteaux, il partit à la conquête du grand public.
Entre temps, il avait chanté pour les poilus dans les hôpitaux. Il était d'ailleurs titulaire de la croix de guerre 14-18. Un article de "L'Abeille de la Ternoise" consacré au conseil de révision des "Marie-Louise" de Saint-Pol, le 3 mars 1914, fut publié le 27 juin 1964. Zéphir Joëts figure sur la photo (que nous recherchons) illustrant l'article.

Il s'installe en 1919, à Paris, 3 rue Montholon et débute comme "comique fantaisiste" sous le nom de Zéphir qu'il conserve pendant 5 ans avant de prendre celui de Firzel. Plus tard, il sera domicilié au 34 du faubourg Saint-Martin, à Paris.
Au printemps de 1923, il effectue une première grande tournée en Belgique: Verviers, Charleroi, Bruxelles, Louvain, Liège... Rengagé au Palais d'Eté de la capitale belge en octobre suivant, on peut lire dans le Passe-Partout du 13 octobre 1923 : "Ce jeune artiste qui n'est dans le métier que depuis 4 ans marche à grands pas sur la trace des Mayol, Dalbret et Georgel..."
Il chante à L'Olympia en aôut 1924, notamment des chansons de Georgius. Il sera dès lors applaudi dans tous les cabarets parisiens : L'Alhambra, L'Empire (5 fois), L'Olympia (12 fois), Le Petit Casino, L'Européen, Bobino, etc..., et en Province, il fait la tournée des casinos et séjourne dans de nombreuses villes où il y avait soit un music-hall, soit un cinéma à attractions ou un cabaret. Il effectuera de nombreuses tournées à l'étranger: Belgique, Suisse, Grèce, Hollande, Afrique du Nord, Syrie, Sénégal (Dakar)... et l'on pourra l'entendre chanter sur la T.S.F. du moment (Radio-Lille notamment).
A Saint-Pol. Il aimait venir se retremper au pays natal, musardant la ligne à la main, sur les bords de la Ternoise, et apportant son précieux et gracieux concours aux fêtes organisées par des sociétés saint-poloises. En 1925, au cours d'une représentation organisée par l'USSP, il chanta "Gloire à l'USSP", une chanson de sa composition sur l'air de "Rugby marche".
Sa discographie est sans aucun doute la partie la plus étonnante de la carrière de Firzel. Car, de 1925 à 1936, cet artiste va graver près de 70 disques publiés sur 10 marques différentes. En 1930, par exemple, son nom figure à la fois sur les étiquettes Idéal, Parlophone, Polydor, Pathé et Artiphone. Firzel (pour l'anecdote) donnait un exemplaire de chacun de ses disques à ses amis de la "Taverne de l'Artois", à Saint-Pol. Empilés, ces disques auraient représenté une hauteur de 1,60 m. Malheureusement, une bombe, en 1943, fit voler en éclats toute la collection. Beaucoup de ces enregistrements sont aujourd'hui introuvables, malgré les efforts déployés par les collectionneurs pour les retrouver.
La majeure partie (34 disques) de sa discographie s'effectue chez Parlophone, de 1929 à 1932 : des succès d'Alibert (Un cocktail), de Gabin (Léo, Léa, Elie), de Burnier (Souviens-toi), de Milton (T'en fais pas Bouboule), de Chevalier (Mon Idéal), de Garat (Avoir un bon copain), mais aussi des chansons ou monologues en patois du Nord (L'carrette à quiens, La petite Lilloise, Le p'tit Quinquin, Si j'avos su j'aros resté garchon chez Cristal...). Il chante aussi les mérites de la Citroën sur des paroles de Gabriello (Citroën et Un petit coeur et une citron). Firzel et Gabriello (dont la mère Léontine Wallart naquit à Saint-Pol en 1859) seront d'ailleurs associés sur bien des partitions.
On possède aussi de Firzel "L'esprit français", un recueil de 100 histoires de captivité, d'occupation, de libération qu'il a recueillies. A. Daverdain, 50 Faubourg Saint-Denis, à Paris (Xe), en fut l'éditeur. Allez, vous en voulez une ! Voilà. Celle-ci est du général de Gaulle. Il passe en revue un régiment de F.F.I. qui fait glorieusement le coup de feu. Les officiers sont excessivement jeunes, et le colonel complètement imberbe. Le général lui serre la main et lui demande gentiment : "Je me demande ce qui a pu nuire à votre avancement."
Le 24 juillet 1947, il fait une dernière apparition dans l'émission "Rires et sourires" de la Suisse romande et meurt à Saint-Pol, le 22 février 1948, âgé seulement de 52 ans. Terminons en rappelant que Firzel est le cousin de nombreux Saint-Polois (Joëts, Degouve, Bayart, Morel, Lesieux, Lemaire, Domé, Mille, Lombart, Poynard, Bigand, Defiez, Jacquart, Clulow, Denudt, etc...) et de Edmond Edmont et Alfred Demont, deux autres célébrités saint-poloises.

Article rédigé par
Marcel Bayart
d'après un article de Pascal Duboc

-----

La belle histoire de Firzel commence le 19 janvier 1908 dans la revue locale « Saint-Pol y passe ». La future vedette porte son vrai nom, Zéphir Joëts. Un garçon de douze ans, apprenti pâtissier, qui se produit sur scène avec une verve et un entrain qui font l'unanimité. Ce petit Saint-Polois se prend vite au jeu. Désormais, il participera avec plaisir à de nombreuses fêtes locales, délaissant la boutique de gâteaux pour partir à la conquête du grand public.
Quand la Première Guerre mondiale survient, Zéphir, 19 ans, distrait les Poilus en chantant dans les hôpitaux. Il sera décoré de la Croix de guerre à l'issue du conflit. C'est aussi après cette guerre qu'il lance réellement sa carrière de comique fantaisite en s'installant à Paris, rue Montholon. Zéphir fait ses classes pendant cinq ans. Puis se choisit un nom de scène. Ce sera Firzel, un pseudonyme qui rappelle en verlan son vrai prénom. Au printemps de l'année 1923, le jeune Saint-Polois effectue sa première grande tournée en Belgique. Ce qui lui vaut d'être engagé au Palais d'été de Bruxelles à l'automne de la même année. Le Passe-partout, journal local, parle alors d'un « jeune artiste qui n'est dans le métier que depuis quatre ans, mais qui marche déjà à grands pas sur les traces des Mayol, Dalbret et Georgel ».
La carrière de Firzel est lancée. Le voilà en août 1924 sur la scène de l'Olympia, interprétant des chansons de Georgius. Tous les cabarets parisiens lui ouvriront alors leurs portes : Bobino, l'Empire, l'Alhambra, l'Européen, et encore et toujours l'Olympia, qui l'accueillera... douze fois ! Firzel a gagné ses lettres de noblesse dans le métier et effectue de nombreuses tournées à l'étranger (Suisse, Grèce, Afrique du Nord, Syrie, Sénégal...). Il chante Avoir un bon copain et Ma p'tite lilloise, fait la promotion en chansons de la marque Citroën, et transmet des chansons patoisantes comme Le P'tit Quinquin ou encore L'carette à quiens.
On sait peu de choses sur la vie que menait Firzel à Paris. On sait en revanche que ses retours à Saint-Pol étaient très souvent des moments mémorables, l'artiste rehaussant de son talent les fêtes organisées par les sociétés locales. Comme ce jour de novembre 1925 où il entonna une chanson intitulée Gloire à l'USSP. Firzel était une vedette partout, et plus simplement un bon copain dans sa ville. C'est là qu'il est mort, chez son cousin Émile Dupuis, au 4 rue des Carmes.

Article rédigé par :
Marcel Bayart

 ------

Ma p'tite Lilloise !

Les paroles de cette chanson furent écrites par Paul Brebant [1888-1969]. La musique, orchestrée par Manuel Puig, fut composée par Frédo Gardoni et L. Silberman. Ce gros succès du Nord fut enregistré sur disque Pathé (n° 3864) et sur disque Idéal (12.883) par Firzel, de l'Empire. On pouvait se procurer ce fox-trot chez Batifol, 11 rue du Vert-Bois, à Pais. Manuel Puig, 8 rue Maublanc (Paris XVe) était propriétaire de l'oeuvre enregistrée aussi sur disque Pathé par les As du Phono, Frédo Gardoni et Mauel Puig.
Rappelons, une fois encore, que Firzel était le nom de scène de Zéphir Joëts (qui se prononçait alors Jout' ; Saint-Pol-sur-Ternoise 1895- 1948) qui repose au cimetière Est de sa ville natale. Entre 1981 et 2002, Jean-Christophe Averty parla de Firzel dans ses émissions "Les cinglés du Music-Hall" sur France-Inter, France Musique et France Culture.Ce célèbre chanteur et fantaisiste, resté dans les mémoires des anciens Saint-Polois, enregistra de nombreux disques 78 tours à saphir et à aiguille, entre 1923 et 1944.
 
 Ecouter ICI
 
Ma p'tite Lilloise

I. Certain soir à Saint-Maurice,   Je gambillais chez Beudart,   Quand de la petit' Clarisse,   Je rencontrais le regard.   Je lui dis: "Mademoiselle,   Acceptez cette java,   Sans se fair' prier la belle   Répondit : "Te m' plais, cha va !"
Refrain: Ma p'tit' Lilloise   C'est un bijou ;   Quand ell' patoise,   C'est drôl' comm' tout.   Ell' est joyeuse,   Ell' est rieuse.   Ma p'tit' Lilloise   Me rendra fou !


II. Ell' n'est pas du tout bégueule,   Et je ris quand ell' me dit:   Viens, j' t'inmène au bos de l' Deûle,   J' te f'rai vir un biau p'tit nid.   Ell' m'amus' cette petite,   Quand ell' ajout' sans façon:   Si te m'offr's eun' portion d' frites,   J' t'imbrass'rai su' tin minton. (Refrain)


III. Où je la trouv' très cocasse,   C'est quand l' dimanch' nous allons   Fair' un tour à la ducasse   Où toujours nous rigolons.   Ell' me dit: "j'aim' bin les couques, (1)   Et m' langu' fil' parc' que j'in vos,   Mais ell's sont pleins' de brins de mouques, (2)   Viens putôt su' les qu'vas d' bos." (3) Refrain.


IV. On a parlé mariage,   Et cela devient plaisant,   Car, depuis, son babillage   Est encor' plus amusant.   Si nous n' mingeons qu' des peunn's tierre, (4)   Dit-ell', on s'in contintra,   Mêm' si on n'a qu'eun' cayère, (5)   J' te dis qu'on in sortira. (Refrain)

(1) couque-baque ou couque-bocque: crêpe faite avec de la farine de "boquette" (blé sarrasin ou noir) et du beurre. A Mons, on nomme cette pâtisserie "boucancouque"
(2) mouche (du latin musca)
(3) chevaux de bois (queva ou qu'va, du latin caballus)
(4) "peun" ou "pun d' tierre", pomme de terre (un "pun" est une pomme, du latin pomata, bas latin pomum, le fruit)
(5) chaise (en vieux français: chaière, du latin cathedra).

le 29 mai 2009.

Article rédigé par : 
Marcel Bayart
 
------
Un article trouvé dans Le Phare de Calais du 21/9/1943
Complimentons Firzel d'avoir évité cette facilité [le répertoire frisant la grossièreté]. Ce chansonnier sait toujours rester bon enfant et d'une saine gaieté. Ses histoires de bègue comme ses histoire lilloises déchainèrent les rires. Éclectique, il sut également mettre sa voix en valeur avec Le Maître à Bord.
[…]
FIRZEL l'énergique avec son visage durement sculpté et ses épaules de catcheur, la pointe noire de ses cheveux sur le bas du front, Firzel nous conte son histoire :
- Mes parents m'avaient fait pâtissier !... Mais au cours de la Grande Guerre, j'eus l'occasion de chanter pour les poilus, dans les hôpitaux. C'était mon rêve. Dès 1919, je tentais ma chance et j'ai réussi. J'ai fait les plus beaux pays du monde : la Syrie, la Grèce, la Suisse, la Hollande. J'ai chanté 12 fois à l'Olympia ; 5 fois à l'Empire
- Êtes-vous du Nord pour si bien parler lillois ?
- de Saint-Pol-sur-Ternoise
- Quels sont vos projets ?
- Je vais prendre quelques jours de vacances...
Roulant ses terribles épaules, Firzel ajoute :
- Je vais pêcher à la ligne...

partitions de ma collection

chansons créées et chantées par Firzel

- Beaux soirs d’orient, Reg/Jean Peyronin
- Ça c’est pis que tout, Gaston Gabroche/Gaston Claret
- Dans l’sens unique, Géo Roger/Vincent Scotto
- En sortant de la revue, Georgius/J. Creus
- Femmes que vous êtes jolies ???, Zéphir
- J’ai l’béguin pour toutes ces femmes, L. Despax/J. Eblinger
- La java des Ch’ti’mis, Stollé/Worting & Eddy Frédo
- Je me soule, Henri Poupon/Blanche Poupon
- Les pantins, Pierre Alberty/Léojac
- Ma crotte, Plébus & Gilbert/Victor Alix
- Ma petite Lilloise, Paul Brebant/Fredo Gardoni & L. Silberman
- Mon cousin réserviste, Souplex/Gaston Claret
- On attends toujours quelque chose, Gabriello/Gabaroche et Claret
- Un p’tit million, Ch.-L. Pothier/L. Raiter & L. Izoird
- Quand on a un’ p’tit’ femme à son bras, Léo Lelièvre & J. d’Hirlaux/Laurent Halet
- Si j’avais des sous-sous, Ch.L. Pothier/Ch. Borel-Clerc
- Sur les quais de Paris, Jean Rodoor/Van Hoorebeke
- Trésors d'amour, Gustave Het/E. Dufrenne
- La Valse des coups d’pied au…boum !, R. Desmoulins/Domme & Valfy