Gavroche parisien, spirituel à l’excès, doublé d’une aimable femme, la Mme Maillochon des Bicyclistes en voyage a toujours rêvé d’être artiste dramatique ; à 17 ans, présentée au directeur du Pardès-Théâtre. M. Grillet, celui-ci lui prédit qu’elle serait une petite Granier et l’engagea de suite. Et, de fait, elle rappelle, sinon de visage, tout au moins de manières et de voix, la diva aimée des Parisiens. Mlle Tylda a encore du temps devant elle, et, à en juger par les progrès accomplis, par les étapes parcourues, elle est en train de devenir étoile. Après l’engagement au Pardès, qui fut pour elle un Conservatoire musical, Tylda Raphaël s’abstint de tout théâtre, et, après deux annnées de travail acharné, elle devint la pensionnaire de la Renaissance. La première fois qu’elle parut sur la scène, ce fut dans une revue de Ch. Clairville, et les habitués du théâtre se rappellent encore l’ovation qui lui fut faite à la répétition générale : elle fut obligée de trisser son petit morceau. C’est à la Renaissance, où elle fut de presque toutes les pièces des directions Samuel et Lerville, que M. Debruyère vint la chercher au commencement de 1892-1893 : il l’engagea pour trois ans. Tout l’été, elle a chanté, avec un réel talent et une gaîté débordante, la Serpolette des Cloches [de Corneville], et M. Debruyère ne cache à personne sa satisfaction de s’être attaché une pensionnaire disant et chantant bien, toujours contente et désireuse de bien faire. (Gallica)
C'est le journal Le Vélo, quotidien de la vélocipédie, qui présente notre Dunkerquoise, alors jeune débutante de 27 ans dans une pièce qui aborde leur passion : la bicyclette. Une pièce qui marque une date dans l'histoire de la vélocipédie en France, comme la première course de Bordeaux-Paris en 1890, comme Paris-Brest en 1891 ! ICI une compilation des critiques dans la presse de 1893.
Eugénie Marie Malvina Pouillet est née à Dunkerque, 12 rue de l'Arsenal, le 31 mai 1866, fille naturelle d'Elisa Léonide Moreel, repasseuse, née à Dunkerque et Vallery Adolphe Pouillet, employé du chemin de fer originaire de Gien (Loiret). Elle est légitimée lors du mariage le 10 mars 1869. Son père meurt en 1879. Elle est sans doute élève de l'école de musique de sa ville, et y apprend le chant. On lui trouve une belle voix comme le relate un compte rendu d'Emile Durand, professeur au Conservatoire de Paris : dont l’appréciation en ce qui regarde la qualité de sa voix est celle-ci : voix chaude, jolies notes à l’aiguë, voix de poitrine qui pourra devenir très belle avec des études bien conduites. Une demande de subvention au Conseil Municipal de Dunkerque est déposée détaillant l'estimation du coût de la vie à Paris - Pension (où l’on se chargerait de conduire la jeune fille chez son professeur puis au conservatoire et de l’en ramener, 1.200 F
- Leçons de chant (2 fois par semaine), 520 F
- Location et leçons de piano, 350 F
- Entretien et vêtements, 360 F
- Frais accessoires, 100 F
- Trousseau d’entrée et frais d’installation, 500 F
Total : 3.030 F
Une subvention est accordée dans la délibération du 18 décembre 1880, elle a alors 14 ans, subvention renouvelée pour 1882.
Le 31 janvier 1881, la chorale dunkerquoise La Jeune France organise un Concert d'adieux pour son départ à Paris : Il a été organisé pour permettre à une jeune personne, à laquelle des membres de l’Association s'étaient intéressés, de leur faire ses adieux ; douée de remarquables aptitudes musicales servies par une jolie voix, elle désirait se faire entendre avant d'aller terminer ses études à Paris. L'héroïne de la fête chanta des morceaux devenus classiques pour des élèves du Conservatorie : La ballade du roi de Thulé, de Faust, et le seul air de l’opéra d'Ambroise Thomas, Psyché, que l’on entend encore quelquefois. (Livre d'or de la Jeune France, BUF, 1913)
collection personnelle
Elle y interprète La ballade du roi de Thulé, extrait de Faust de Gounod
Eugénie fait ses vrais débuts au Théâtre de la Renaissance en janvier 1890, dans Les douze femmes de Japhet, vaudeville en 3 actes, où elle est remarquée par Elie Frébault, critique du journal Europe Artiste, qui la qualifie de "charmante comédienne et chanteuse de style, égarée dans le tas de petites femmes traditionnelles de ce genre de pièce".
La même année, le 6 octobre, première représentation de En scène mesdemoiselles, revue en 3 actes et un prologue, qui attire l'attention du rédacteur de Soirée parisienne qui publie cette belle critique : En scène mesdemoiselles - Un titre qui résonne comme un appel de clairon, car la dernière pièce, le Lycée de jeunes filles, nous a montré quelles mesdemoiselles M. Samuel met en scène […] Au second acte - Nous voici dans les magasins des Grands-Trottoirs. Belot s'est fait à s'y méprendre la tête du député marchand J... Il vend de tout : de la charcuterie, des habits et des terrains […] Parmi les demoiselles, nous voyons tout à coup avancer devant la rampe une grande jeune fille aux traits délicats, au nez fin, à la physionomie angélique, et un frémissement passe dans la salle :
- Qui est-ce ?
- Tylda Raphaël.
- Saperlipopette !
Elle chante : Voyez l’objet. Et on crie bis. Elle recommence. Et l'on crie encore bis. Nous aurions voulu voir l'objet trois fois, et la salle n'était ni Lassata ni satiata. Ô Parisiens, mes frères, écoutez ce que je vous dis en vers (moi aussi) :
Une étoile qui se lève
Vaporeuse comme un rêve
Rappellez-vous ce nom : Tylda Raphaël.
photo : Nadar (Gallica)
Le photographe Nadar s'intéresse aussi à cette étoile et lui consacre plusieurs séances, conservées à la BNF ICI
Pourquoi ce pseudonyme ?
Je n'ai pas la réponse pour ce prénom, Tylda ; on peut faire le rapprochement avec une autre artiste de l'Opéra qui se nomme Mlle Thylda à la même époque. Eugénie y ajoute Raphaële, féminin du prénom de son futur mari Raphaël Auriaux qu'elle a sans doute rencontré très tôt dans les théâtres où il est musicien (trompettiste). En 1900 il joue dans l'orchestre du théâtre de la Gaîté, nous dit Constant Pierre dans son Dictionnaire du Conservatoire. Ils se croisent probablement avant juillet 1886, Eugénie accouche le 3 avril 1887 d'un petit Raphaël, né Pouillet, il sera reconnu par son père 6 ans plus tard, ses parents se marient en juin 1910.
La carrière théâtrale de Tylda se poursuit :
1890 : La Renaissance, Les douze femmes de Japhet
1890 : La Renaissance, En scène mesdemoiselles
1890 : La Renaissance, Le mari au champagne
1891 : La Renaissance, Les marionnettes de l’année
1891 : La Renaissance, Les douze femmes de Japhet
1891 : La Renaissance, La petite Poucette
1893 : Gaité Lyrique, Le Talisman
1893 : Gaité Lyrique, Les cloches de Corneville
1893 : Gaité Lyrique, Les Bicyclistes en voyage
1894 : Gaité Lyrique, Le Troisième Hussards
1894 : Gaité Lyrique, LeGrand Mogol
1894 : Les Variétés : La Rieuse
1895 : Gaité Lyrique, Chilpéric
1895 : Le Cercle des Planches, Un tour de Crispin
1895 : Le Cercle des Planches, On répète la revue
1895 : Les Variétés, La chanson de Fortunio
1895 : Les Variétés, La Péricole
1896 : Les Galeries Saint Hubert, Bruxelles féérique
1897 : Gaité Lyrique, La Jolie parfumeuse
1904 : La Nouvelle Athènes, Garçon un cent d'fiches
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